Pronoms et énonciation : Réversibilité (trisomie)

Publié le par Jaz

L'inversion des pronoms dans le dialogue

L'inversion des pronoms dans le dialogue

Et voilà, nous y retournons. Hier Artus m'a demandé les pronoms. Nous avions arrêté le travail sur les images, Il a progressé dans sa capacité à raconter, ce qui s'est passé à son anniversaire, ce qu'il fait au travail, et chercher des mots avec Jarnac n'est plus notre point de rencontre privilégié pour nos séances, devenues moins régulières entre ses absences, les miennes, les vacances... Artus a posé le thème de celle du jour : les pronoms.

Je suis perplexe, quel support prendre? Des petites poupées playmobiles et les faire parler, des images ? Il opte pour des images, mais je n'ai rien préparé et ne vois pas trop que lui proposer après tout le travail déjà fait avec ce support.

En effet, nous avions abordé ce problème à la fin de l'année passée et commencé un entrainement en janvier autour du récit avec le support de séries d'images, initiées par celles du Fourgon qui avaient permis une mise en pratique de penser et parler pour d'autres dans des dialogues, une mère, l'enfant malade, le docteur... Qu'avions-nous pu poser alors ? Je propose  le corpus et la discussion de ces séances de fin d'année qui ont précédé le travail de récit à partir d'images (cf. les articles ici-même) avant de présenter la séance correspondant à l'image de l'en-tête.

1ère séance

Le point de départ avait été "toi tu excusé moi" au lieu du "moi excuse toi" ou du "moi excusé" balancés au hasard lorsqu'il est absent, en retard ou se trompe.

J'annonce : TOI/MOI, C'EST UNE GYMNASTIQUE DANS LA TËTE POUR NE PAS MELANGER

(je m'appuie sur les gestes qui désignent l'un ou l'autre). Quand je lui fais répéter un énoncé où il les a inversés, je parle pour lui ce qui n'éclaire en rien le problème? Il faut qu'il puisse comprendre que je me mets à la place de l'autre, lui dans ce cas... et non imiter seulement ce qu'il comprend. Nous le travaillerons ultérieurement...

2e séance

La séance suivante, il a senti qu'il avait un sérieux problème et il veut

"parler mieux "

- de quoi ?

- des pronoms

- on va prendre des petites poupées ?

- je m'en t'égal

Je reformule en l'écrivant

-cela m'est égal-, j'encadre - cela - et écris dessous avec les paniers des syllabes -ça- dans celui de -cela- pour qu'il retrouve l'expression banale : ça m'est égal..

Il s'excuse de son erreur " excuse toi "

Je me lance alors dans la forme pronominale en écrivant pour qu'il s'appuie sur la lecture de l'écrit

C'est toi qui t'excuses (-> tu)

C'est moi qui m'excuse (-> moi=je)

C'est lui qui s'excuse ( il )

Nous reprenons avec d'autres verbes la formule à la 3e personne seulement, amorcé par  c'est lui qui

- se trompe

- s'ennuie

- se régale

- se fait du souci

puis en discutant nous sommes amenés à poser :

- ils se sont disputés (ils)

- elle se dispute avec (direction de la dispute) quelqu'un d'autre...

C'est difficile pour lui et il est très contracté (concentration) et contrarié, en quête d'explications en particulier sur son bégaiement qui revient...

Je dessine une tête de profil, le haut du buste, je figure un cerveau dans le crane, le coeur à sa place connecté à 3 mots : peur  content  fâché.  Je précise 'C'est le coeur qui commande au cerveau à ce moment là'.

Une flèche remonte du coeur au cerveau, une autre à l'arrière de la bouche et une autre part du cerveau et va vers la pointe de la langue (en coupe) tout en commentant : 'les mots se bousculent, pas dans l'ordre quand ils arrivent dans ta bouche'.

Il travaille avec une jeune orthophoniste et s'étonne

" Int* elle parle bizarre, j'arrive pas à comprendre ".

- Elle te demande de répéter.

- Pas perroquet.

Je lui réponds en écrivant en très gros ce qu'il voudrait savoir dire (il me le dit souvent à sa façon...)

JE ne veux pas qu'on  M ' aide

(j'écris en dessous de m') moi

Je veux faire tout seul

et j'ajoute en reprenant ma place au lieu de parler pour lui

'Je ne TE forcerai pas'.

3e séance

Je reprend la question de l'expression dans le dialogue à 2 interlocuteurs en lui demandant de raconter l'histoire de la visite du docteur. Les images sont là, que dit la mère en téléphonant au docteur ? (les corrections sont entre parenthèses)

"Mon fils il est malade (il)... Tu peux venir "(Vous pouvez)

Après que se passe-t-il?

C'est le docteur. Qu'est-ce qu'il fait? Qu'est ce qu'il répond? Mets toi à sa place. Parle pour le docteur:

- Oui Madame, je veux bien.

Que répond la dame ? quand ?

- à 15h... parce que moi j'ai été vacciné pour la grippe, mon docteur, comme çà je vais pas mourir.

- où ?

- (donne son adresse)

Je commente l'image 'ah c'est le docteur qui vient' Fais la parler.

- Entrez

Que demande le docteur 'Où est le malade? '

- (montre l'image)

'La dame elle a dit quoi?'

- il est dans sa chambre

'Comme si tu étais le docteur'

- ouvre grand la bouche...

Je conclus JOUER A SE METTRE A LA PLACE DE L'AUTRE.

 

 

Discussion
La première séance du corpus pose le lieu linguistique à travailler, l’opposition moi/toi dans une situation dialogique et, sur le plan psychologique, le déplacement impliqué par l’échange dans le maniement des pronoms où l’individu « je » devient « tu » lorsque celui qui était « tu (te) » devient « je ». Une vraie gymnastique qui implique la capacité à se mettre à la place de l’autre. Cette capacité sera abordée à la 3e séance avec le support d’images sérielles qui racontent une histoire de la vie ordinaire dont Artus n’a aucun mal à identifier les données.
La seconde séance s’appuie sur l’énoncé de départ d’Artus pour centrer le travail sur des automatismes déjà montés : Artus connait les conjugaisons, les listes des pronoms… Il y a des énoncés tout faits qu’il peut retrouver et… nous nous en tiendrons à la 3e personne, dans le cadre de verbes pronominaux pour qu’il n’ait pas plus d’une difficulté à la fois à gérer, après avoir amorcé l’automatisme d’une conjugaison possible. Nous finissons sur le cas particulier de la réciprocité car ce sont des formes qu’il peut utiliser à l’occasion d’éventuels échanges ultérieurs. Le dernier souligne la cible qui n’est pas le sujet grâce à l’introduction de ‘avec’.
La deuxième partie de cette séance met en évidence la difficulté cognitive qui l’amène à bégayer d’une part, et son désir de « comprendre » et non répéter pour apprendre comme un perroquet d’autre part.
Le corpus de la troisième séance, celle du récit, illustre la nécessité d’un étayage soutenu pour qu’il puisse n’avoir plus qu’à dire deux ou 3 mots pour répondre à la question posée. Il a fallu identifier la situation de départ du téléphone, s’il le connait en pratique, il ne sait pas le rapporter avec des mots et encore moins les enchaîner de lui-même dans le cadre des routines interactives du scénario. Il utilise le tutoiement. Il ne peut s’empêcher d’associer à une situation personnelle l’heure qu’il donne en réponse à la question quand ? et en développe spontanément les circonstances. Le détail de l’étayage n’a pas été noté pour le dernier énoncé du corpus… Il n’en est pas encore à la description d’images. Le travail pour l’y amener sera l’objet des séances décrites dans les articles précédents sur ce blog même.

Nous arrivons à la séance d'hier correspondant à l'annonce imagée.

Artus connait non seulement les conjugaisons mais également, en principe, les fonctions. J'utilise donc des termes grammaticaux sujet et complément pour les différencier.

Le tableau se construit petit à petit après avoir posé la colonne des pronoms sujets qu'il sait réciter. J'ajouterai rapidement "on est 2" pour les deux 1ères personnes avec une accolade.

Comme machinalement j'énonce en l'écrivant (donc sur une ligne... flèche verte)

 - Je te parle (à toi)

Lorsque je passe à l'énoncé suivant, cela donne une autre ligne ... également flèche verte

 - Tu me parles (à moi).

Comment vas-tu dire pour ...dire ? (J'ai cherché un verbe dont il a plus l'usage)

- Je te dis

- Tu me dis

Saluer. Il se prend au jeu et comprendra rapidement la correction de l'infinitif au présent

- Je te saluer

 - Non je te salue.  à toi Tu

- Tu me salues

Rappeler. il escamotera un peu le r initial mais ne met plus l'infinitif

- Je te rappelle

- Tu me rappelles

Ecouter

- Je te écoute Ah non tu te souviens e + é qu'est-ce qui se passe? le e saute dans le é. Je t'écoute.

 - Je t'écoute

- Tu m'écoutes (il a un peu cherché, combien de fois on le lui a dit pourtant !)

Bravo. On a tout fait au présent. Et si je dis

 - Je t'ai parlé

Tu vas dire tu m'as parlé

- Tu m'as parlé

Avec dire c'est plus facile

 - Je t'ai dit... Tu

- Tu me dis

 - Non  j'ai, tu as etc... je t'ai dit/ tu m'

- Tu m'as dit

Nous poursuivons ensemble souvent la voix dans la voix... Ce n'est pas acquis bien sûr, d'autant plus qu'il n'utilise pas le passé composé, mais c'est un bon début et Artus n'en peut plus de tous ces efforts. Il part ainsi quelques minutes avant l'heure.

Remarque : la présentation classique des pronoms est de mettre les mêmes personnes sur une même ligne, la colonne se rapportant à la fonction. Pour le lui rappeler, j'ai donc rappelé le lien par une flèche rouge au cours de notre travail.

PS Yann vient le lendemain et... au cours de notre travail, s'il n'est pas encore question d'utilisation de ces formes pronominales, il est cependant question d'individuation... une base qu'Artus a acquise depuis longtemps.  Objet d'un article à venir sur l'autre blog.

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