Langage et énonciation (trisomie)

Publié le par Jaz

Langage et énonciation, référence
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Langage et énonciation, référence

Langage et énonciation, référence

Yann 21 ans, trisomique, gaucher, a enfin intégré l'énoncé correct du scénario d'arrivée mis en place aux séances précédentes.

'tu es seul ?'

Il répond bien à la question que je lui pose à l'interphone ce jour où il vient avec son père même s'il faut encore construire et lui faire répéter "je suis".

- avec Patrick

Son père n'assiste plus depuis très longtemps à notre travail. Il a passé la main. Il n'est plus, depuis la deuxième année de prise en charge, il y a plus de dix ans, celui avec qui Yann chuchotte car Yann parle. Le père va attendre dans une autre pièce en discutant avec M*.

Nous sommes donc seuls et je demande :

"Tu as quelque chose à me dire?"

- Moi j'étais à la SAS

- aujourd'hui ?

- c'est samedi

Tu y étais aujourd'hui?

- non vendredi.

Le tableau ci-dessus est posé devant lui. Nous l'avions établi à une séance précédente, alors qu'il mélangeait tout dans le domaine du temps sur un mode associatif. Il en était lui-même la référence, celle de l'ici et maintenant.

Je vais donc ajouter sur le tableau en rouge, "hier", à côté de "avant" écrit en noir 

Je poursuis mon enquête,

dimanche ça va être quel jour?

Du côté de plus tard en vert j'ajoute "demain" après avoir complété en noir "après".

De la manipulation d'étiquettes ...

Je vais chercher les jours de la semaine sur le tableau de feutre et les lui donne à mettre dans l'ordre. IL LES POSE VERTICALEMENT (comme ils étaient sur le tableau quand on l'avait travaillé).

J'utilise des poupées (mariochkas) différentes pour situer les jours de départ de la référence et la faire varier : je place un jour au bas de la flèche "maintenant" en mettant une poupée différente pour situer l'axe et je déplace linéairement les étiquettes autour de cet axe, en les remettant dans la série verticale (qu'il a posée d'emblée) quand on part d'une autre. On travaille ainsi sur avant/après,

Je m'appuie ainsi sur la connaissance qu'il a d'une liste qu'il a établie verticalement pour essayer de l'aider à construire des repères séquentiels, dans le sens de l'écriture, sur un axe syntagmatique, en déplaçant des objets soit figuratifs, comme des poupées représentant une référence différente de celle qui organisait l'espace jusque là, lui (le bonhomme qui le représente), sur le tableau, pour introduire l"opposition avant/après. Le système de couleur utilisé (flèche rouge pour le passé et verte pour le futur) est important à respecter car il intervient dans un système d'opposition et devient une référence non consciente dans ce contexte.

Mémorisation, verticalité et fonctionnement....

... à l'écriture des jours de la semaine

Nous reprendrons ce travail la séance suivante car il est impatient d'écrire les noms des jours pendant mes manipulations et explications verbales et veut écrire vendredi (étiquettes présentes) :  il pose la syllabe DI et sort les lettres : RVED, récupère le N. Il manque le E de "dre". Il hésite avec un N puis y arrive.

"Bravo"

Je lui propose d'écrire celui qui est avant ou après : sa(...)di (sa prononciation). Il libère bien la première ligne pour écrire un nouveau mot mais la liste l'emporte et il veut écrire (de mémoire car j'ai enlevé les étiquettes)

  • Lundi :

il l'annonce

- lindi

- il sort LI, un autre I, cherche un D et pose DI.

- il prend E R (nous avions longuement cherché le R à l'occasion d'une autre séance). Je lui fais lire LIR. Et mettant de côté le R je lui propose de mettre un U (c'est bien mais pour ce mot là c'est u) à la place du I en lui demandant qu'est-ce qui fait "un" (avec le geste Borel du in) tu sais, dans le nez ? Il trouve le N et je le félicite.

- il a donc LUN auquel il peut ajouter DI.

  • Mardi

Il enchaîne sur le jour suivant en annonçant  (escamotant le r) madi

- Il prend DI puis M  R  prend un E l'automatisme RE?). J'enlève le E en précisant qu'il n'y en a pas et lui demande

"Dis le mot que tu veux écrire" il reprend

- madi

"On entend quoi après mmmm?"

- u

Il place le DI puis à reculons le M

Pour chercher la syllabe du M il a sorti un U (lundi?) Je lui fais lire la syllabe MU qu'il prononce Me "

- C'est pas ça

la 2e fois dit MU.

J'interviens pour mettre le R en place et on cherche la voyelle qui manque.

 Il veut remettre un E puis U. Non c'est celle qu'on trouve tout le temps... 'Maaaaa'. Quand tu le dis, tu fais comme moi, le dire longtemps et tu trouves. Il est heureux de mettre A dans la place que j'ai laissée libre et le relit correctement

  • Mercredi

Il annonce mècredi

Il prend ME et dit triomphant:

- Et voilà!

Il place le DI à côté . Je précise en le repoussant : 'Le mot commence là, c'est plus loin, dis le plus lentement'.

- manque E là

J'aide pour ER

- i manque 2 pièces

Je fais entendre crrrrrrr. Il sort I O . Je montre la lettre déjà posée après le E en prononçant R 'autre comme ça' . J'essaie de l'aider en lui donnant un repère visuel pour le C mais il ne veut pas regarder.

  • Jeudi

Il annonce zeudi et commente en prenant les lettres

- c'est un J prononcé (z) DI c'est le D là.

Nous sommes obligé d'emprunter un DI dans les mots déjà écrits.

Il prend le U et le met à côté du J. Je lui demande ce qui manque etc...

- ah oui E

- Moi j'arrête un peu

Nous prenons la photo et passons dans la pièce de l'ordinateur, il veut jouer avec le piano qui se trouve sur ce dernier..


Questionnements
- sur l'étayage proposé
J''essaie qu'il me regarde pour le geste, la forme du C. Nous finissons par y arriver mais il ne voulait regarder, ni moi, ni le geste support de mémoire, ni la forme visuelle esquissée.
- sur la référence, base nécessaire à l'autonomisation d'une unité
Quand nous avions tout manipulé en parlant, j'avais essayé d'introduire "avant le lundi" (série traditionnelle). Il ne trouve pas le dimanche qui implique la dimension cyclique. Ce sera à retravailler.
- sur les modalités de l'apprentissage de l'écrit et la façon dont le repérage des sons y participe :
>> Yann est capable de choisir des lettres constitutives du mot à écrire. Il les prépare. Il a une certaine mémoire des choix des séances précédentes à partir du travail qui a été réalisé autour d'eux. Il n'a donc pas un lexique logographique (mot) mais plutôt syllabique (cf. di). Il a conscience parfois de la présence de certaines lettres (entrée visuelle) dans un mot déjà étudié (le u de lundi). Pour les lettres manquantes, il faut passer par la prolongation du son (canal auditif) pour qu'il la retrouve. Il n'est pas encore capable de le faire par lui-même car sa "parole" n'est pas en place.
> L'écrit permet alors le placement des phonèmes dans la forme sonore du mot comme nous l'avions proposé à titre d'hypothèse. Il faut parfois lui redonner le modèle sonore pour qu'il le retrouve, sinon il repart dans n'importe quoi.

Mémoire et mémorisation.

Cette séance montre que Yann investit cet apprentissage. Il est capable de se concentrer... un temps seulement. Il utilise des bribes de souvenirs (?). La stratégie d'étayage se fonde sur un rapport énonciatif du sujet qui apprend à parler à l'énoncé qu'il doit produire. Il faut aller le chercher très loin, mais il se révèle essentiel à la séquentialité nécessaire à la parole.

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