Poursuite du travail sur la parole : consonnes Yann Trisomique

Publié le par Jaz

Le système des commandes des consonnes

Le système des commandes des consonnes

Yann va avoir bientôt 25 ans et a toujours ses difficultés de parole assimilables maintenant à un retard avec défaut d'articulation.

Nous avons repris les petits cartons, lettres en bleu, cette fois, pour l'aider à intérioriser le système phonologique du français comme nous l'avions fait pour les voyelles. Qu'il ne s'en tiennent pas à des repères visuels mais puisse s'assimiler leur structure même et leur mode de fabrication en bouche, parallèlement à un travail sur les praxies et l'articulation.

Extraits de la séance précédente :

Nous sommes installés et je l'entraîne alors devant une autre grande glace, il se colle à moi face à cette glace, réticent à se, nous regarder, et cherche un câlin en baissant la tête et la penchant sur le côté vers ma poitrine.

.... Nous aurons à travailler la partie haute (du tableau) qui concerne le système consonantique du français avec un croisement des modes d'articulation et des zones d'articulation pour chaque lettre figurant un phonème.

Ce programme implique que nous travaillions les praxies, en particulier le contrôle de la langue pour obtenir la précision articulatoire qui permet à l'oreille de les différencier.

Puisqu'on figure les sons par des lettres il était tout aussi essentiel pour lui de les connaitre afin d'utiliser le tableau pour mettre en place les éléments de base de sa parole.

Le rapport au corps et les praxies

Nous avons donc repris les praxies, un grand moment devant la glace, puis je lui donne les cartons des commandes du tableau (souffle par le nez, par la bouche en bloquant, en soufflant de façon continue et position des lèvres et de la langue dans la bouche) en lui demandant ensuite de mettre en place  les cartons des consonnes retrouvées sans le modèle du tableau.

Le 1er trouvé est le S puis le R (qui fait partie du hors système d'oppositions distinctives nasales/sourdes/sonores).

Je rappelle la consigne :

- 'mettre ensemble le souffle et la langue'.

Pour P, je dois le reconstruire à partir du mode articulatoire et de l'occlusion réalisée par la bouche fermée : explosion du souffle. Geste du poing qui s'ouvre à l'appui pour renforcer l'association.

Pour T je fais claquer les doigts tout en réalisant l'explosion.

Le V ne pose pas de problème

Pour le CH il y a 2 lettres comme les 2 doigts pour tenir la bouche.

etc... en l'aidant beaucoup et avec quelques commentaires :

' Tu n'es ni poule ni coq (quand il lève le cou), ni cochon' (quand son click stéréotypé revient).

 

Yann n'en est pas encore à avoir assimilé tous ces mouvements que nous faisons maintenant systématiquement devant une grande glace côte à côte. C'est une réactualisation car il n'y a pas d'entraînement possible en dehors de nos rencontres et il ne généralise pas encore ces tentatives d'ajustement du geste articulatoire au point de les reproduire spontanément lorsque nous "travaillons". Il faut donc l'associer aux graphies correspondant aux mouvements articulatoires ainsi préparés.

Dans la rééducation de dylexiques n'ayant pas installé le système de ces oppositions (perception auditive et/ou visuelle) dans l'apprentissage classique de la correspondance grapho-phonémique, à plus forte raison dans un contexte de retard de parole où l'ensemble du système ne se met pas en place sans parler de la séquentialité...

je pars d'une correspondance phonographique empruntant à Suzanne Borel Maisonny le renfort d'un geste de la main, vulgarisé par l'ouvrage de S. de Sacy (avec une inexactitude pour le l).

En partir, c'est aussi s'en écarter parfois, pour trouver quelque chose de plus évocateur d'une différence : ainsi Borel propose pour le t =2 doigts saisissent la barre du t et s'accolent au niveau des dents ce qui ne rend pas suffisamment le mouvement d'explosion pour Yann d'où le claquement des doigts.

La langue un ensemble de systèmes

La séance suivante

Nous commençons par un travail sur les praxies qu'il accepte de mieux en mieux devant la glace mais pas encore assis à sa place. J'annonce le programme, reprendre les cartons comme le jeu de playmaths. Il aperçoit alors le papyrus du jugement dernier qui l'a longtemps fasciné (du temps de sa passion pour l’Égypte) et qui a été déplacé, il le prend en photo. Il va dans l'autre pièce (ordinateur) prend quelques photos dont un autre papyrus. Sa mère n'est pas là et je le laisse s'approprier ainsi nos lieux de travail.

Je pose les commandes et les re-explique. Quels cartons va-t-il placer? A-t-il compris ? Nous avions cherché ensemble la fois précédente, Je lui laisse l'initiative :

il prend le CH et le place sur la ligne en la commençant (à gauche donc). Tout d'un coup il réalise

- ah c'est le tableau !

Je réponds car il n'a pas le modèle

- 'dans ta tête'

Il prend le M le met en P. puis le D également (les lettres sont écrites en script ce qui ne simplifie pas leur différenciation : il n'a pas remarqué le petit trait qui détermine la position du carton lettre pour la lire la lettre, il a pourtant fait beaucoup de jeux de correspondance, minuscule/majuscule etc.). Le G est placé au bon endroit. Le L est sur la bonne ligne mais en S.

J'ai beau insister, il prend les lettres mais ne veut pas dire les sons. Il travaille en silence. Une fois le nom de la lettre :

- le T

(nommé) mais placé en B

- 'où tu mets la langue, trouve la place !'

Il trouve le ill. Il ne trouve pas la place du N : le met n'importe où et commence à jouer à se tromper avec le S, le J. Ce n'est pas la peine d'insister.

Puis nous jouons avec sa mère venue nous rejoindre, il finit par prendre les pions verts. Il n'est plus aussi attentif. Il lit les mots. Pour lire GRILL je lui propose

- là tu peux prendre le tableau.

Il déchiffre. Pour LAMPE il ne trouve pas le an car dit LA

Il retourne au tableau avec LI, bloqué, il choisit

- an 

- 'non'

- in 

etc...

Il n'y aura pas de playmaths cette fois.

Qu'en restera-t-il ? Il est en stage en "manutention" et je ne le verrai que dans 15 jours.

Le carré de playmaths niveau 1

Le carré de playmaths niveau 1

Écrire se fait de la gauche vers la droite (même s'il lit souvent de la gauche vers la droite semble-t-il) et Yann est conditionné à partir de la gauche d'où, peut-être, ses erreurs dans le placement des cartons des lettres pour faire les sons. Il n'a pas encore intériorisé une représentation du tableau. Il progressera, là comme ailleurs. Il ne maîtrise toujours pas non plus les voyelles nasales et part du an (la 1ère en haut) avant de chercher ailleurs. Quand il y a des automatismes contradictoires qui se manifestent, l'effort pour se concentré est menacé...

Nous avons ainsi reconstitué un tableau à double entrée qu'il retrouve souvent, avec plaisir, dans son jeu favori du carré avec les nombres jusqu'à 100 sur Playmaths. Il n'a plus besoin du boulier. Il sait qu'il doit le réaliser en cliquant sur le bleu (repères : ligne du haut et dernière colonne), 2e niveau. Il a même réussi le rouge (colonne centrale) quand nous le faisions régulièrement, en récompense, il y a plusieurs années, comptant les unités avant d'utiliser des repérages avec les nombres écrits en ligne et en colonne.

La capacité de l'enfant à comprendre le fonctionnement d'un tableau à double entrée se situerait au niveau de la fin de maternelle. Des jeux l'y préparent. Les non-lecteurs de la recherche (articles du site sos)

(menacé de disparition du fait de liens en http, sans possibilité de le transformer faute d'accès à la base de données, j'envisage de le sauvegarder ailleurs en copiant les articles)

n'en maitrisaient pas le fonctionnement en 6e au collège. Nous l'avons donc construit pas à pas avec eux au long d'une année entière en l'an 2000....

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